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Garanties de rémunérations des représentants de personnel : mode d'emploi par la Cour de cassation

L’article L. 2141-5-1 du Code du travail, issu de la loi Rebsamen du 17 août 2015, institue pour les représentants du personnel ou syndicaux, dont le nombre d’heures de délégation dépasse 30 % de la durée du travail, une garantie d’évolution de rémunération « au moins égale, sur l'ensemble de la durée de leur mandat, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable ou, à défaut de tels salariés, aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues dans l'entreprise. »

Afin de lutter contre la pénalisation des représentants du personnel et syndicaux en matière de rémunération cette disposition impose à l’employeur de s’assurer régulièrement que l’évolution de leur rémunération n’a pas été affectée par rapport à celle de leurs collègues non engagés dans des fonctions représentatives.

Pour autant, cet article ne comporte pas de précision :

-      Sur la périodicité de la vérification à opérer par l’employeur ;

-      Sur le panel de comparaison à retenir par ce dernier.

C’est sur ces deux points que porte un récent arrêt de la Cour de cassation qui donne ainsi le mode d’emploi de l’appréciation de cette garantie d’évaluation (Cass. Soc., 20 décembre 2023, n°22-11.676).

-       Sur la périodicité de la vérification de l’évolution de rémunération

La Cour de cassation énonce qu’en l’absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise la comparaison de l’évolution de la rémunération doit être effectuée annuellement.

Cette position semble relativement étonnante alors que la lettre de l’article L. 2141-5-1 vise une garantie qui s’applique « sur l’ensemble de la durée du mandat » et que la Cour de cassation considère traditionnellement qu’en matière de discrimination, pour être significative, l'évolution comparée entre les salariés mandatés et les autres salariés devrait logiquement être appréciée sur une période de plusieurs années (Cass. soc., 26 janv. 2010, n°08-44.397).

Comme le relevait l’employeur en l’espèce, l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (l'UCANSS) a également préconisé un calcul et un paiement au moment où le salarié mandaté sort de son champ d'application, soit lors du renouvellement des instances ou en cas de départ en cours de mandat, en précisant n'y avoir lieu à considérer les moyennes de chaque année mais de calculer la moyenne des attributions de points sur toute la période du mandat.

Pourtant la Cour de cassation s’éloigne fondamentalement de cette interprétation en considérant que c’est chaque année que l’employeur devrait procéder à la comparaison entre l’augmentation effectivement perçue par le collaborateur et les augmentations générales et la moyenne des augmentations individuelles perçues par le panel de comparaison.

-         Sur le panel de comparaison

La notion de « salariés relevant de la même catégorie professionnelle et dont l'ancienneté est comparable » visée par l’article L. 2141-5-1 a déjà été précisée par la jurisprudence comme renvoyant aux salariés qui relèvent du même coefficient dans la classification applicable à l’entreprise pour le même type d’emploi, engagés à une date voisine ou dans la même période (Cass. soc 7 novembre 2018 n° 16-20.759°).

Au cas d’espèce, l’employeur avait inclus dans son panel des emplois de nature différente mais avec lesquels il pouvait y avoir une permutabilité et s’était référé à des tranches d’ancienneté fixes de 5 ans.

La Cour de cassation le sanctionne à double titre puisque, d’une part elle estime que les salariés à inclure dans le panel sont strictement ceux qui ont le même coefficient, l’éventuelle permutabilité d’emploi étant sans incidence, et d’autre part ceux engagés à une date voisine, ce qui est plus restrictif que des tranches de 5 ans d’ancienneté.

Elle réduit ainsi sensiblement les salariés pouvant être inclus dans le panel de comparaison, ce qui risque de contraindre nombre d’entreprises à devoir opérer leur comparaison sur l’intégralité des effectifs, faute d’un nombre significatif de collaborateurs avec lesquels opérer la comparaison.

le 16/01/2024

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