Dans un contexte où, depuis le tournant du siècle, l’État semble avoir fait le choix d’un désengagement progressif de certaines grandes problématiques sociétales, l’entreprise s’est vu investir, parfois contre son gré, de responsabilités sans cesse élargies. Formation, bien-être et santé, handicap, soutien aux aidants, maintien du pouvoir d'achat, protection de l’environnement, retraite, violences faites aux femmes, sont autant de sujets que doit aujourd’hui traiter l’entreprise, loin de son rôle premier d’acteur économique.
Devant ces injonctions parfois contradictoires, l’entreprise et les services RH, ont su muter et évoluer à une vitesse que leur envierait toute structure publique, non sans difficultés cependant. Un spécialiste des res- sources humaines se doit également d’être ingénieur environnemental, économiste, expert en qualité de vie, psychologue, et la liste ne semble pas devoir s’arrêter de sitôt.
Est-ce à dire que la situation est sans issue ? Bien au contraire : ces acteurs disposent d’un outil unique tant par son efficacité que son rôle littéralement démocratique : le dialogue social.
La politique d’aide conduite depuis l’été 2020 a produit des effets spectaculaires, multipliant par 4 le nombre d’apprentis (atteignant ainsi plus d’un million de contrats signés). Face à ce succès, l’État a renouvelé ce dispositif jusqu’en 2027.
Certaines entreprises ont même fait le choix d’aller plus loin, en réponse à une pénurie de talents qualifiés, et mettent en place leur propre école de formation. De Sodexo à Orange en passant par l’Oréal ou Safran, les initiatives se multiplient et pointent du doigt des déséquilibres croissants entre attentes du marché et formations.
QVCT, bien-être, santé, inclusion, soutien aux aidants, violences faites aux femmes... : l’entreprise sociale
Garantir des conditions de travail favorables, en assurant notamment la sécurité et la santé des salariés, s’incarne dorénavant dans une politique accrue de prévention, et ce à tous les niveaux. A ce rôle, s’ajoute un rôle de santé publique, certaines entreprises ayant prouvé leur engagement dans la lutte contre la sédentarité ou la sensibilisation au dépistage de certains cancers par exemple. En plus d’attirer et de fidéliser les talents, cesnombreuses initiatives permettent de participer à la réduction du coût lié à l’absentéisme et aux longues maladies, un enjeu crucial pour le futur des entreprises et l’équilibre financier de l’État.
L'entreprise se doit également d’être inclusive et de favoriser l'intégration des personnes en situation de handicap (visible et invisible), trop souvent délaissées. En l'absence d'une prise en charge adéquate de l'État, les entreprises sont invitées à choisir : embaucher 6% de ses effectifs pardes personnes en situation de handicap ou payer une contribution reversée à l'Agefiph.
Nombreuses sont les entreprises qui préfèrent intégrer en adaptant leurs infrastructures : aménagements et organisations spécifiques (locaux, outils adaptés, télétravail), formations et actions de sensibilisation à la diversité et à l'inclusion, afin de pouvoir non seulement assurer le meilleur environnement de travail à tous, mais aussi bénéficier de talents jusqu’ici peu reconnus et valorisés. Encore faut-il que les transports publics se mettent en conformité pour permettre l’accessibilité et la mobilité de tous, jusqu’à l’entreprise. Face à l’inadaptation et l’insuffisance des moyens alloués à la dépendance (manque de structures d’accueil, d’assistants de vie...) l'entreprise joue aussi un rôle en soutenant les aidants. En proposant des mesures de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, telles que des horaires flexibles ou le télétravail, ou des congés spécifiques, l'entreprise permet aux aidants de concilier leurs responsabilités familiales avec leur emploi, en réduisant le stress et les absences.
Les violences domestiques qui relèvent en principe de la sphère privée, s’invitent également dans le monde de l’entreprise : la Convention 190 de l’OIT « concernant l'élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail » adoptée le 21 juin 2019 reconnait que « la violence domestique peut se répercuter sur l’emploi, la productivité ainsi que sur la santé et la sécurité , et que les gouvernements, les organisations d’employeurs et de travailleurs [...] peuvent contribuer [...] à y répondre et à y remédier ».
Protection de l’environnement : l’entreprise écologique
Dans la lutte pour la protection de l’environnement, les entreprises sont des nouveaux acteurs qui en sont responsables comme le rappelle la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, l’ANI du 11 avril 2023, l’article 1833 al 2 du Code civil : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Toujours dans le cadre du dialogue social, les partenaires sociaux doivent échanger et agir sur l’environnement. Grâce à la BDESE, l’entreprise dispose d’un outil permettant de lister les différents leviers possibles en matière environnementale et de créer une stratégie graduelle de transition du changement climatique.
L’article L. 2312-8-I permet au CSE de donner un avis reposant sur des considérations environnementales, tant sur les process et outils de production utilisés dans l’entreprise que sur l’organisation du travail.
Cette dynamique se retrouve également via des accords promouvant une mobilité plus verte pour réduire les émissions (flotte électrique, mise à disposition de vélos etc.) mais aussi d’accords d’intéressement et de partage de la valeur intégrant des indicateurs environnementaux.
Devant l’augmentation du nombre de retraités et la pression financière sur le système de retraite, le désengagement de l'État s’est traduit par l’allongement de la durée des carrières. Pour en assurer l’effectivité, il revient aux partenaires sociaux de repenser les dispositifs de prévention de la pénibilité, de favoriser la reconversion professionnelle des seniors et de garantir le respect des droits des travailleurs tout au long de leur carrière.
Dans un contexte de désengagement de l'État, l'entreprise (et avec elle, les partenaires sociaux), est devenue un acteur incontournable dans de nombreux domaines. Désormais acteur social, sociétal et en matière de RSE, elle se doit d'assumer des responsabilités qui sont des marqueurs de la transition sociale.