# Santé
Maintien de la couverture prévoyance et frais de santé en cas de liquidation judiciaire, la Cour de Cassation clarifie la situation

L’article L. 911-8 du Code de la Sécurité Sociale prévoit le dispositif de portabilité de la couverture collective en frais de santé et en prévoyance. Quid en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise ?

Rappelons que ce dispositif permet aux salariés, dont la cessation définitive du contrat de travail est intervenue hors faute lourde et qui sont pris en charge par le régime d’assurance chômage, de bénéficier, à titre gratuit, du maintien de la couverture complémentaire santé et prévoyance mise en place par leur ancien employeur pendant 12 mois maximum de couverture.

Le maintien de la couverture débute à la date de la cessation du contrat de travail et se poursuit sur une période égale à la période d’indemnisation du chômage, sans pouvoir excéder la durée du ou des dernier (s) contrat (s) du salarié. Cette durée est appréciée en mois, arrondie au nombre supérieur, et est limitée à 12 mois.

Ce dispositif est financé par une mutualisation des cotisations des salariés actifs et de l’employeur au sein du régime collectif et obligatoire de l’entreprise.

La portabilité des garanties au bénéfice des anciens salariés chômeurs indemnisés, est ainsi liée au contrat collectif dont bénéficient les salariés actifs de l’entreprise.

Il convient en outre que le contrat prévoyance et/ou mutuelle frais de santé soit en cours au jour de la rupture du contrat de travail.

Que se passe-t-il toutefois si le dispositif n’est plus financé en cas de licenciement de la totalité des effectifs (liquidation judiciaire notamment) et ne peut donc pas être mis en œuvre au bénéfice des anciens salariés ?

Le dispositif de portabilité ne comporte pas d’exception expresse pour les entreprises placées en liquidation judiciaire.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de prendre position dans un avis publié en 2017 (Cass. avis, 6 nov. 2017, n° 17015). Dans celui-ci, elle considérait que le maintien des garanties de prévoyance visé à l’article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale s’appliquait aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire, l’article n’opérant aucune distinction entre les salariés des entreprises in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Elle tempérait toutefois cette affirmation en précisant que le maintien des droits implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié.

Cet avis était confirmé dans un arrêt du 18 janvier 2018, au terme duquel la Chambre Civile de la Cour de cassation ajoutait néanmoins une condition et pas des moindres : au maintien des droits qui implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié s’ajoute la prévision d’un dispositif de financement de la portabilité en cas de liquidation judiciaire. A défaut, les garanties frais de santé et de prévoyance ne sont pas maintenues (Cass. 2e civ., 18 janv. 2018, n° 16-27.332).

C’est ainsi que, en pratique, les organismes assureurs ont refusé d’assurer le maintien de la portabilité en cas de liquidation judiciaire, au motif que, en l’absence de financement du maintien des couvertures prévoyance et frais de santé, le contrat doit être résilié.

Interrogé expressément sur cette question, le Ministère des Solidarités et de la Santé a confirmé la position de la Cour de cassation du 18 janvier 2018, dans une réponse apportée le 14 avril 2020 (Rép. min. n° 504 JOAN Q, 14 avr. 2020), en considérant que « l’absence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire est de nature à constituer un obstacle au maintien à titre gratuit des garanties collectives au profit d’un salarié licencié en raison de la liquidation judiciaire de son employeur ».

Par un arrêt rendu le 25 septembre 2019, la Cour d’appel de Colmar, qui avait pourtant indiqué que l’organisme assureur ne pouvait contractuellement refuser le maintien de garanties prévoyance à d’anciens salariés licenciés à la suite du placement en liquidation judiciaire de l’entreprise qui les employait introduit une condition : « la précision contractuelle selon laquelle « les garanties maintenues au bénéfice de l’ancien salarié sont celles en vigueur dans l’entreprise » impose seulement de vérifier que le contrat de prévoyance n’est pas résilié au moment de la demande de portabilité ».

Par un arrêt en date du 5 novembre 2020, la Cour de cassation vient enfin clarifier ces positions opérant ainsi un revirement au regard de l’arrêt du 18 janvier 2018 précité, se fondant sur :

  • Le caractère d’ordre public des dispositions relatives au maintien à titre gratuit des droits des anciens salariés chômeurs indemnisés (CSS, art. L. 911-14) ;
  • L’absence de distinction opérée par ces dispositions entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ;
  • L’absence de condition relative à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance.

Pour s’assurer du bénéfice de la portabilité dans le cadre d’une liquidation judiciaire, il convient dès lors de se placer au jour où la cessation du contrat de travail est intervenue pour vérifier l’existence d’un contrat d’assurance complémentaire santé et prévoyance.

L’argument tiré de la résiliation du contrat ou du défaut de paiement des cotisations ne pourra plus être opposé au salarié par les organismes assureurs qui doivent appliquer strictement les dispositions de l’article L911-8 du CSS qui n’exclut pas la liquidation judiciaire…

…une façon de sécuriser les salariés licenciés dans le cadre d’une liquidation judiciaire, sur l’effectivité du maintien des garanties prévoyance et frais de santé.


le 24/11/2020

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