Le 17 avril dernier était publié le décret sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste du salarié instituée par la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Ironie juridique, malheureusement familière aux professionnels du droit social, sous couvert de simplification du droit, le législateur a ouvert une brèche majeure au détriment des entreprises.
Préalablement à la publication du décret, l’abandon de poste, de manière logique et légitime au regard de la qualification juridique, était considéré comme une faute grave permettant à l’employeur de déclencher une procédure de licenciement, en particulier lorsque celui-ci ne répondait même pas aux mises en demeure de l’entreprise de reprendre son poste ou, à tout le moins, d’apporter une justification légitime à cette absence. Cette procédure permettait de se séparer relativement rapidement d’un salarié ne remplissant plus ses fonctions, étant de fait absent, et d’offrir à l’entreprise la flexibilité nécessaire pour déclencher au plus vite les procédures d’adaptation : embaucher une nouvelle personne pour remplacer le salarié défaillant ou répartir les tâches au sein de l’équipe existante. De son côté, le salarié licencié pour faute grave, en raison de son abandon de poste, pouvait prétendre au versement des allocations chômage.
Pourquoi alors la transformation en présomption de démission pose-t-elle tant problème pour les employeurs, et pour les professionnels du droit social ? Car au nom d’une diminution des comportements pouvant s’associer à une forme de fraude aux allocations, le législateur donne une responsabilité inédite à l’entreprise : celle consistant à considérer le salarié comme démissionnaire (la démission étant en principe privative des allocations chômage), ce qui revient de facto à transférer à l’entreprise la responsabilité de décider si oui ou non le salarié peut prétendre à l’assurance chômage.
Trop imprécise, cette nouvelle mesure est venue fissurer les équilibres existants, sans offrir un cadre suffisant sur lequel s’appuyer. A l’inverse de la volonté du législateur ce sera donc au juge d’en définir l’application. L’abandon de poste est-il nécessairement une démission ou l’entreprise peut-elle encore recourir au licenciement pour faute grave ? La présomption simple de démission pouvant être contestée devant le juge, qui devra payer si la démission est requalifiée par les tribunaux ? Qui de l’entreprise ou de Pôle Emploi devra alors assumer l’indemnisation du salarié injustement privé des prestations chômage ?