# Libertés & Droits Humains
Forfait jours : nullité en cas de non-respect des mentions supplétives

Pour être valable, une convention individuelle de forfait jours doit être conclue sur la base d’un accord collectif, lequel doit notamment déterminer (C. Trav. L.3121-64) :

  • Les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié,
  • Les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise ;
  • Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l'article L. 2242-17.

Afin de sécuriser les forfaits annuels en jours existants et de permettre aux entreprises de conclure de nouvelles conventions individuelles, la loi du 8 août 2016 (Loi Travail) a prévu un dispositif de rattrapage pour les entreprises.


Ainsi, lorsque l’accord collectif ne comporte pas de clauses spécifiques à ces sujets, ou si ces dernières sont insuffisantes, l’employeur peut mettre en places des mesures dites de « rattrapage », permettant de pallier l’insuffisance ou l’absence de ces mentions.


C’est ce que vient de rappeler la Cour de cassation, qui précise que l’employeur doit appliquer les dispositions de l’article L.3121-65 du Code du travail (Cass. soc., 10 janv. 2024, n° 22-15.782), sous peine de nullité de la convention individuelle de forfait en jours.

En vertu de cet article, l’employeur doit :

  • Établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
  • S’assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
  • Organiser une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Dans le cadre d’un contentieux avec son employeur, un salarié avait sollicité la nullité de sa convention de forfait jours (qui, rappelons-le, lorsqu’elle prospère, ouvre droit à un rappel d’heures supplémentaires pour toutes les heures accomplies au-delà de 35 heures, dans la limite de la prescription triennale, ainsi qu’à un risque de condamnation pour travail dissimulé).


La Cour d’appel avait jugé que l’accord collectif sur les forfaits jours était incomplet au regard des dispositions de l’article L.3121-64 du Code du travail. Pour apprécier la validité des conventions de forfait, elle avait donc vérifié que l’employeur respectait les dispositions « de rattrapage » de l’article L.3121-65 du même Code.


En l’espèce, des tableaux de suivi avait été mis en place par l’employeur « faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées lorsque le salarié a validé les documents de suivi mensuel ». Cependant, le salarié soutenait que, étant dans l’impossibilité de pouvoir procéder à des modifications de ces tableaux, ces derniers ne reflétaient pas la réalité des jours travaillés, peu important qu’ils aient pu être renseignés par le collaborateur.


La Cour de cassation fait droit à cet argument en rappelant que le document de contrôle doit être établi sous la responsabilité de l’employeur.


Dans ces conditions, l’employeur était dans l’impossibilité de s’assurer que la charge de travail du salarié était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire.


Par ailleurs, aucun entretien annuel n’était organisé avec le salarié pour évoquer sa charge de travail.


Dès lors, la Cour de cassation a jugé que la convention individuelle de forfait était nulle, confirmant le raisonnement de la Cour d’appel.


Ainsi, si l’accord collectif ne prévoit pas les garanties légales relatives au suivi de la charge de travail du salarié, l’employeur ne pourra valablement recourir au forfait-jours qu’en respectant rigoureusement les dispositions supplétives lui permettant de pallier unilatéralement les défaillances de l’accord.


En pareille hypothèse, les mesures fixées par l’article L.3121-65 du Code du travail doivent donc être scrupuleusement observées et respectées par l’employeur, à défaut, la convention de forfait jours sera déclarée nulle.

le 31/01/2024

Articles du même auteur

Dialogue Social & Relations Collectives
L’employeur peut-il encore se dispenser de recueillir l’accord d’un salarié protégé pour le placer en activité partielle en cas d’individualisation ?
Revenant sur le principe selon lequel aucune modification de ses conditions de travail ne peut être imposée au salarié protégé, l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures...
[Lire la suite]
Publié le 29/05/2020
Rémunérations & Avantages Sociaux
Acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie.
Dans plusieurs arrêts de ce 9 novembre 2023, la CJUE se penche une nouvelle fois sur la question de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie et plus particulièrement sur...
[Lire la suite]
Publié le 09/11/2023
Organisation & Bien-Être au travail
L’annulation ou le report d’une prestation en raison de l’épidémie justifie-t-elle la rupture anticipée des CDD conclus pour assurer celle-ci ?
L’article L. 1243-1 du Code du travail autorise la rupture anticipée du CDD en cas de force majeure qui se définit comme « la survenance d’un événement extérieur irrésistible ayant pour...
[Lire la suite]
Publié le 30/03/2020
Comment les salariés en arrêt pour garde d’enfant basculeront-ils vers l’activité partielle au 1er mai ?
La deuxième Loi de Finances rectificative pour 2020 n° 2020-473 parue au Journal Officiel du 26 avril 2020 stipule qu’à partir du 1er mai, les salariés parents en arrêt de travail pour garde...
[Lire la suite]
Publié le 04/05/2020

Nos experts : Libertés & Droits Humains

...
Dominique DE LA GARANDERIE
...
Katia LENERAND
...
Gwladys DA SILVA
...
Elsa BENASSAIA
...
Saskia HENNINGER
...
Louis CRESSENT

Nos domaine d'Expertise

Dialogue social & relations collectives
Rémunération & Avantage sociaux
Santé

Organisation & bien-être au travail
Libertés & droits humains

Ethique & compliance