# Libertés & Droits Humains
Rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle a été placée sous le feu d’une actualité jurisprudentielle intense ces derniers mois, dont certains enseignements d’ordre pratiques sont à tirer.

1/ La date de la rétractation d’une partie est celle de l’envoi de la lettre.

La date de la signature de la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur marque le point de départ du délai de rétractation de 15 jours calendaires.

Ce droit de rétraction, institué par l’article L.1237-13 du Code du Travail, doit s’exercer « sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie ».

Cette formulation ne permettait pas de lever les doutes quant à l’appréciation de la date de rétractation par une partie. Quelle date retenir : la date d’envoi de la lettre ou celle de sa réception par l’autre partie ?

Par deux arrêts récents, la Cour de Cassation considère que la date de la rétractation, et donc le respect du délai de 15 jours calendaires, s’apprécie à la date d’envoi du courrier de rétractation par l’employeur (Cass.soc, 14 février 2018, n°17-10.035) ou le salarié (Cass.soc, 19 juin 2019, n°18-22.897).

Notons que cette solution, certes favorable pour la partie qui se rétracte, peut conduire à voir l’autre partie informée de la rétractation après l’expiration du délai de 15 jours calendaires et alors même qu’elle a adressé la convention à la DIRECCTE pour homologation.

Il n’en demeurera pas moins que, la rétractation ayant été valablement émise pendant le délai de 15 jours calendaires, une telle homologation serait sans objet.

2/ Seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties permet d’exercer le droit de rétractation et également de demander l’homologation de la rupture conventionnelle.

Un salarié et son employeur avaient signé une convention de rupture de leur contrat de travail. Pourtant, l’exemplaire de la convention remis au salarié ne comportait que la signature de ce dernier et non celle de l’employeur.

Le salarié a alors saisi les juges du fond en nullité de la convention.

La Cour d’Appel a jugé que la convention était valable car le salarié avait eu la possibilité d’exercer son droit de rétractation et ne l’avait pas fait dans les 15 jours calendaire ayant suivi sa signature.

La Cour de Cassation invalide cette solution en considérant que (Cass.soc, 3 juillet 2019, n°17-14.232) :

« (…) seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause (…) ».

Une fois de plus, en matière de rupture conventionnelle, il convient donc d’être particulièrement vigilant sur le formalisme, et respecter à la lettre les termes de l’article L.1237-13 du Code du Travail qui prévoit que le délai de 15 jours calendaires pour se rétracter court « à compter de la date de signature par les deux parties ».

Mais le formalisme protecteur du consentement des parties en matière de rupture conventionnelle n’est pas nécessairement sanctionné par la nullité de la convention, en tout cas en matière d’assistance des parties lors des entretiens préalables.

3/ Le non-respect du formalisme protecteur relatif à l’assistance des parties lors des entretiens n’est pas, en soit, sanctionné par la nullité de la rupture conventionnelle.

L’article L.1237-12 alinéa 2 du Code du Travail prévoit que « Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même l’usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié ».

Il a déjà été jugé que le défaut d’information du salarié sur la possibilité de se faire assister peut entrainer la nullité de la convention dans les conditions du droit commun, c’est-à-dire en cas de vice du consentement (Cass. Soc, 20 janvier 2014, n°12-27.594).

Quid lorsque non seulement l’employeur n’informe pas le salarié de la possibilité d’être assisté et se présente lui-même assisté lors de l’entretien à l’issue duquel une rupture conventionnelle est conclue ?

Ce cas d’espèce s’est présenté devant les juridictions de fond et a conduit à un pourvoi en cassation.

La Cour de Cassation, confirmant la solution dégagée par la Cour d’Appel, a considéré que (Cass.soc, 5 juin 2019, n°18-10.901) :

« (…) l’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne peut entrainer la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l’entretien ; qu’ayant constaté que tel n’était pas le cas en l’espèce, elle a rejeté à bon droit la demande du salarié ».

Il s’agit encore d’une application du droit commun des contrats à la rupture conventionnelle, le salarié invoquant la nullité ne pouvant se reposer uniquement sur le défaut d’information relatif à son droit d’être assisté, et le fait qu’il se présentait seul alors que son employeur était quant à lui assisté.

Pour obtenir la nullité, le salarié devra, le cas échéant, établir l’existence d’un vice du consentement.

Rappelons tout de même que si le salarié démontre qu’il n’y a pas eu d’entretien, ce seul défaut est quant à lui un motif de nullité de la rupture conventionnelle (Cass.soc, 1er décembre 2016, n°15-21.609).

La Garanderie Avocats ne manquera pas de suivre l’évolution jurisprudentielle de cet outil de gestion des ressources humaines qu’est la rupture conventionnelle et dont le succès rencontré depuis sa mise en œuvre en 2008, tant auprès des salariés que des entreprises, ne s’est jamais démenti.

le 19/07/2019

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